Dans une décision non publiée en date du 9 juillet 2009, la première chambre civile de la Cour de cassation reprend les termes de sa jurisprudence
Perruche. La faute du médecin ou du laboratoire qui n'a pas permis aux parents de connaître l'existence du handicap dont l'enfant à naître est atteint ne peut être source de responsabilité que si les parents avaient le droit d'interrompre la grossesse, soit par leur seule volonté dans le délai des douze premières semaines de grossesse, soit dans le cadre de l'interruption de grossesse pour un motif médical au-delà. Cet arrêt précise que les critères du recours à l'interruption de grossesse s'apprécient au regard de la législation française, ce qui est discutable compte tenu de l'ouverture des frontières.
Cass. 1re civ., 9 juillet 2009, Pourvoi n° F 08‑12.457,
Arrêt n° 669 FS‑D, rejet
Sur le moyen unique du pourvoi principal des époux Elbaz :
Attendu que Mme Elbaz a donné naissance, le 16 décembre 1996, à l'enfant Anaëlle, atteinte d'une agénésie de l'avant bras droit, non détectée lors des treize échographies effectuées, pour dix d'entre‑elles par M. Pfeffer, médecin généraliste qui l'avait suivie pendant toute la grossesse, et pour trois d'entre elles, conjointement par M. Pfeffer et son confrère M. Benlolo, auquel M. Pfeffer avait fait appel ; que Mme Elbaz et son mari ont assigné, le 27 janvier 2000, MM. Pfeffer et Benlolo et leurs assureurs respectifs (le Sou médical et Axa Courtage) en responsabilité et réparation de leurs préjudices propres ainsi que du préjudice causé à leur fille, leur reprochant des examens insuffisamment consciencieux, qui n'ont pas permis de s'assurer de l'absence de malformation du foetus, les privant ainsi de la possibilité de recourir à une interruption volontaire de grossesse pour motif "thérapeutique" ;
Attendu que les époux Elbaz font grief à l'arrêt (Paris, 23 novembre 2007) de les avoir déboutés des demandes d'indemnisation qu'ils avaient formées, tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'administrateurs légaux de leur fille Anaëlle, à l'encontre de MM. Pfeffer et Benlolo, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en se bornant à affirmer, péremptoirement, sans aucune analyse et s'en s'être entourée du moindre avis médical, qu'il n'était pas "établi que l'affection présentée par Anaëlle, bien qu'incurable, présentait le caractère de particulière gravité exigé par le législateur pour qu'une interruption volontaire de grossesse puisse être pratiquée", sans indiquer ou préciser en quoi le handicap de cette dernière ‑ une agénésie du tiers proximal de l'avant bras droit avec de minuscules épaules digitales ‑ s'il avait été détecté, n'aurait pas répondu à l'exigence de gravité posée par l'article L. 162‑12 du code de la santé publique, issu de la loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse pour motif thérapeutique, applicable en la cause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à son arrêt ; qu'en statuant de la sorte elle a, à tout le moins, violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en retenant, pour les débouter de leurs demandes, que "si les époux Elbaz remplissaient les conditions posées" par les articles 314 à 316 du code pénal israélien "pour solliciter une autorisation de cette commission en raison de l'agénésie d'un avant‑bras du foetus, ils ne justifiaient pas qu'une telle autorisation aurait certainement été donnée dans un tel cas", ceci après avoir pourtant relevé que, selon le droit en vigueur en Israël, une interruption volontaire de grossesse pouvait y être autorisée par une commission chargée de recueillir le consentement de l'intéressée et de "constater qu'il existe une justification à cet acte pour les raisons suivantes : ... 3 ‑ le foetus risque de donner naissance à un enfant infirme dans son intégrité physique ou mentale", ce dont il résultait que la faute commise par les médecins avait privé les époux Elbaz d'une chance réelle et sérieuse de recourir, eu égard à l'infirmité physique que constituait l'agénésie du membre supérieur de leur enfant, à une interruption volontaire de grossesse pour motif thérapeutique en Israël, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a violé les articles 1147 et 1382 du code civil ;
Mais attendu que la mise en oeuvre d'une interruption volontaire de grossesse pour motif médical, requiert que les conditions prescrites par l'article L. 2213‑1 du code de la santé publique soient réunies ; que la cour d'appel, qui a constaté que la preuve n'était pas rapportée que l'affection dont était atteinte l'enfant, bien qu'incurable, présentait le seuil de particulière gravité exigée par le texte, et en a déduit que les époux Elbaz n'avaient perdu aucune chance de procéder à une interruption de grossesse, a par ces motifs légalement justifié sa décision ;
Et attendu que la perte de chance de recourir à une interruption volontaire de grossesse s'apprécie au regard du droit français seul applicable en l'espèce ; d'où il suit que le grief de la seconde branche est inopérant ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le grief du pourvoi incident éventuel de M. Benlolo :
REJETTE le pourvoi principal ;
Condamne M. et Mme Elbaz aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille neuf.